Arts et culture

Aux confins de la Beauce et du Gâtinais, Yèvre-le-Châtel recèle un important patrimoine historique et architectural.

De nombreux artistes furent séduits par son charme et celui de ses ruelles ombragées et fleuries. Maria Helena VIEIRA DA SILVA et Arpad SZENES, en particulier, y vécurent l’été pendant près de trente ans. Autour d’eux, d’autres artistes, peintres, sculpteurs, plasticiens de renom international, vinrent également s’y installer.

Ce brillant passé artistique revit aujourd’hui grâce aux expositions, aux concerts et aux diverses manifestations qui y sont programmées chaque saison.

Des créations d’artistes contemporains, présentées in situ, s’offrent aux regards des promeneurs, au hasard des rues. Grilles, cadran solaire, portail, et même les monuments funéraires se révèlent ainsi être les œuvres d’un véritable musée en plein air et ajoutent à l’attrait du village.

Ce renouveau culturel et touristique nous invite à (re)découvrir les artistes qui vécurent et travaillèrent à Yèvre-le-Châtel et à Yèvre-la-Ville. Certaines de leurs œuvres se trouvent aujourd’hui dans de prestigieuses collections et dans les plus grands musées du monde.


Jean ANGUERA

Jean Anguera réside à Givraines et ses pas l’amènent très souvent à Yèvre où une exposition lui a été consacrée en 2010.

Pour Jean Anguera, qui arpente chaque jour la plaine, entre Beauce et Gâtinais, l’homme n’est pas détachable de l’espace dans lequel il vit. Cet espace s’imprime de façon consciente et inconsciente dans son corps. Le paysage modèle l’homme, son corps physique, sa manière d’être et sa façon de comprendre le monde.

Les œuvres de Jean Anguera sont le plus souvent en résine polyester, réalisée par moulage à partir d’un premier travail sur un bloc d’argile. Dans chacune de ses expositions, Jean Anguera cherche à exprimer le rapport de l’homme avec le paysage. Son élection à l’Institut de France est venue opportunément consacrer son parcours et sa réflexion sur la création artistique.

jean-anguera Monument funéraire, dans le cimetière de Yèvre-le-Châtel, réalisé par Jean Anguera – Œuvre en bronze

________________________________________

Eric BONNOT


Eric BONNOT se définit lui-même comme un sculpteur-forgeron. Son travail
est une recherche des formes primaires pouvant être inscrites dans l’acier.

Le feu et l’enclume sont les éléments essentiels utilisés dans e processus de « déformation-formation ». L’empreinte laissée par l’outil dans la matière portée à haute température se doit d’être minimale, de manière à conserver l’esprit premier, linéaire et abstrait de l’acier.

Ainsi, le fer, à travers le feu, devient sculpture, véhicule d’émotions, de poésie…


Métal-morphose 135, 2018.

_____________________________________

Pierre DMITRIENKO

Pierre Dmitrienko, comme Vieira da Silva et Arpad Szenes, a appartenu à « la Seconde école de Paris ». Dans la France des années 50, la tendance est à l’abstraction et Pierre Dmitrienko va peindre ce qu’il appellera des « Présence » et des « Blocdom ». Les « Présence » sont des formes ovales et le nom de « Blocdom » vient des mots bloc et homme.

Dans ses œuvres, des formes humaines font alors leur apparition, cernées de noir. En France, ces tableaux, quelque peu torturés, lui aliéneront tout d’abord la critique, mais les galeries étrangères lui apporteront leur soutien et, aujourd’hui, Pierre Dmitrienko est considéré comme un artiste majeur de cette période.

Il mourra prématurément en 1974. Pendant les dernières années de sa vie, il viendra travailler à Yèvre-le-Châtel. En 1984, une galerie parisienne présentera une exposition intitulée « Quatre Russes à Paris » où seront rassemblées des œuvres de Serge Poliakoff, Nicolas de Staël, André Lanskoy et Pierre Dmitrienko. C’est dire si sa notoriété peut être comparée à celle des plus grands artistes contemporains.

dmitrienko Visage fracturé 2 – Lithographie, 1969


Christophe DUMONT

Christophe DUMONT se confronte avec le monumental autour du thème de la nature et du métal. Il réalise notamment de magnifiques et réalistes sculptures monumentales où, dans son bestiaire, le cheval occupe une place importante.

Depuis 2001, Christophe Dumont sort de temps à autre de son atelier pour des installations d’art environnemental ou du land’art.

A Yèvre-le-Châtel, un magnifique portail, situé place du Bourg, œuvre de Christophe DUMONT, rappelle l’existence à cet emplacement d’un ancien salon de thé-galerie d’art.

Portail en métal oxydé

________________________________________________

Jean-Yves GOSTI

Les matériaux employés par Jean-Yves Gosti ne peuvent l’enfermer dans un style unique. Qu’il s’agisse du métal forgé ou de la taille directe de la pierre, il invente un univers poétique bien à lui.

Du primitivisme, il montre l’univers cultivé et émotionnel qui le nourrit et le traverse. Ses sujets simples sont en réalité le fruit d’une technique très élaborée et d’une écriture personnelle fortement marquée.

Gosti ne sculpte que des personnages qui constituent une véritable famille, qu’il nomme habitants de l’atelier ou compagnons du silence. Ces êtres l’entourent et jalonnent son œuvre et sa vie.

gosti Scènes de la vie au Moyen-âge, Portail en métal à Yèvre-le-Châtel

________________________

Clarisse GRIFFON du BELLAY

Après des études littéraires, Clarisse GRIFFON du BELLAY est aspirée par l’art. Elle passera par la casa Velasquez et la Fondation Dufresne.

Son art exprime une fascination pour les corps en détresse qui transparait dans ses groupes comme “le radeau de la Méduse” et “les chevaux du Lac Ladoga”.

Clarisse GRIFFON du BELLAY travaille à Nemours, partagée entre ses gouges formant des billots de bois et l’écriture.


Carcasse II, chêne, 2008.
_________________________________

Bruno GUIHENEUF

Plasticien sculpteur depuis le début des années 90, Bruno Guihéneuf réalise des sculptures, tant d’intérieur que monumentales, souvent par assemblage d’acier et de granit. Il développe une recherche parallèle de bas reliefs en papier et de gravures sur granit. Il est aussi créateur de Land Art au fil des manifestations artistiques et de ses voyages. Grace à la Galerie du châtel et à Lisette et Pierre Alibert, deux de ses œuvres sont présentées en extérieur à Yèvre-le-Châtel.

flux-95 Flux 95


Joël LANGUILLE

Joël LANGUILLE habite Yèvre-la-Ville et pratique avec talent l’art de la récupération des objets en métal pour pratiquer la sculpture. Il travaille la tôle, le grillage, le fil de fer et le fer à béton pour donner vie à de singuliers personnages et animaux qui s’ébattent notamment dans son jardin.

C’est ainsi qu’il a également façonné, pour Yèvre-le-Châtel, une araignée géante de couleur rouge qui sert notamment de point de repère et de rencontre pour les visiteurs du village.


L’araignée rouge

________________________________

Eduardo LUIZ

Le parcours personnel d’Eduardo Luiz le rapproche des surréalistes et des néo figuratifs, mais sans qu’il se soit lui-même reconnu dans ces courants.

Tout dans sa peinture est calme, beauté, perfection. Tout est en place, immuable et perpétuellement en mouvement. En même temps, tout hurle silencieusement, s’agite frénétiquement sans bouger.

En 1971, las de Paris et du peu d’espace dont il dispose pour peindre, Eduardo Luiz souhaite s’installer dans un atelier pas trop éloigné de la région parisienne. Ses recherches le poussent vers Yèvre-le-Châtel où Vieira da Silva et Arpad Szenes ont une résidence.

Dès lors, il intégrera dans ses tableaux les frondaisons du Gâtinais et souvent à l’horizon, très ténue, la silhouette de la flèche de l’église de Pithiviers.

Yèvre-le-Châtel, sa forteresse, les églises Saint-Gault et Sain-Lubin seront présents sur plusieurs de ses tableaux.

lavion-arc-en-ciel L’avion Arc-en-ciel


Dimas MACEDO

Sculpteur de réputation internationale, les œuvres de Dimas Macedo sont constituées le plus souvent de tubulures cylindriques brunes, en terre réfractaire, dont les cuissons successives permettent de les rehausser d’émail. Souvent ludiques, à la limite de l’insolite, les personnages imaginés par Dimas Macedo sont fréquemment assis, accroupis ou « totémisés ».

Dans son atelier de Yèvre-la-Ville il réalisera de très nombreuses œuvres monumentales, notamment, pour le Parc olympique de Séoul, le Parc national du Vésuve et le métro de Lisbonne. On lui confiera aussi la décoration d’une station de métro à Stockholm, consacré à Linné. Les reliefs muraux réalisés par Dimas Macedo, et la représentation de Linné, lui-même, évoquent, dans le style qui caractérise cet artiste, l’œuvre de ce grand naturaliste.

Dimas Macédo est décédé en 2009 et l’un de ses bas-reliefs décore sa sépulture dans le cimetière de Yèvre-le-Châtel.

dimas-macedo Relief sur la tombe de Dimas Macedo


Claude MERCIER

Après des études à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, il s’installe en 1954 dans un atelier de la « Cité Jeanne » dans le 14e arrondissement de Paris et c’est en 1980 qu’il achète une maison-atelier à Yèvre-la-Ville.

L’aspiration de Claude Mercier à la liberté s’exprime dans la dualité entre une force ascensionnelle d’une légèreté apparente et la puissance d’ancrage d’une sculpture offerte à la lumière en phase avec la croissance naturelle, presque végétale.

Artiste reconnu internationalement, il participe à de nombreuses expositions en France et à l’étranger.

Il réalise des œuvres monumentales dans l’espace public et privé, dont deux sont situées à Yèvre-le-Châtel : l’une à la Mairie et la seconde à la Roseraie .

Ses œuvres figurent dans des musées , notamment :

– en France : Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, Fonds National d’Art Contemporain Paris, Fonds Régional d’Art Contemporain d’Ile-de-France…

– à l’étranger :   MoMA à New-York ;  Musée de Toronto (Canada) , Musée de Darmstadt (Allemagne),  Musée de la Boelen Collection (Pays-Bas)…

En 2015 il est nommé Officier de l’ordre des Arts et Lettres.
Il décède en 2019 dans sa maison de Yèvre-la-Ville et repose au cimetière du Montparnasse à Paris.

Ouvrages personnels  – édités par « Somogy Editions d’Art Paris :
Monographie « Quand le métal fait signe » – 2009
Catalogue raisonné – 2017 (texte de Lydia Harambourg)
Œuvre graphique d’un sculpteur – 2021 – Éditions El Viso

Site internet : www.claude-mercier.com

lenvol L’Envol, œuvre monumentale, don de l’artiste à la Commune


Bernard METRANVE

Après une formation classique, Bernard MÉTRANVE a vécu à l’étranger pendant 16 ans (Costa-Rica, Côte d’ivoire, Colombie…). Aujourd’hui, il vit et travaille à Barbizon où il a ouvert une galerie. La création selon Bernard MÉTRANVE est à la fois abstraite et familière. 

“Les Processionnaires”, présentées dans cette tour de château, est une œuvre plurale dont chaque élément ne prend son sens que par rapport à des figures de même conception et à l’environnement qu’elles délimitent. Cette œuvre n’est donc pas destinée à être observée de manière individuelle mais en groupe.

Formée de quatre ensembles, les Processionnaires déterminent une direction et orientent le regard du spectateur vers un lieu situé à l’extérieur du périmètre qu’ils occupent.

C’est un tableau du Gréco intitulé “Vue de Tolède” qui a déclenché l’idée des Processionnaires. Il représente une ville toute blanche, entourée de murailles, transfigurée par un ciel d’orage. Pendant plus d’un an Bernard MÉTRANVE a réalisé des dessins et des tableaux sur ce thème des murailles vivantes et c’est en 1991 qu’il a cherché à réaliser ces silhouettes en volume, en utilisant de vieilles solives de peuplier.

Ces sculptures sont des œuvres abstraites, des concepts personnalisés en quelque sorte et ne doivent pas être comparées à des êtres humains ou à des animaux. Elles présentent des aspects inhabituels de la fonction et du rôle que peut jouer la sculpture. Ceux de relais, de point de repère ou de phare. Les Processionnaires affirment l’existence d’une sculpture dont la fonction principale n’est pas de créer de la beauté mais d’illustrer de façon dynamique et dramatique les notions de quête, de passage, de marche en avant permanente et jamais satisfaite. La sculpture devient une passeuse d’idées.

Les processionnaires, sculpture plurale, bois de peuplier, 1992.

_______________________________

Arpad SZENES

D’origine hongroise, Arpad Szenes rencontrera Vieira da Silva à l’Académie de la Grande Chaumière. C’est à partir des années 50 que sa peinture prendra véritablement son essor, mais sa notoriété, pourtant certaine, n’atteindra jamais celle de son épouse.

De nombreuses expositions, en France et à l’étranger, consacreront son parcours artistique. Ses œuvres, qui cultivent un sentiment d’espace et de fluidité de la lumière, feront l’objet d’importantes acquisitions institutionnelles et privées.

Son atelier de Yèvre-le-Châtel respirait la sérénité. Beaucoup de ses compositions font écho aux paysages de Beauce et à ces horizons infinis qu’il affectionnait tout particulièrement.

C’est dans le petit cimetière de Yèvre, près de l’église Saint-Lubin, que seront enterrés Arpad Szenes, décédé en 1985, et Maria Helena Vieira da Silva, qui mourra en 1992.

arpad-szenes La Beauce – Huile sur toile, 1969


Maria Helena VIEIRA DA SILVA

Maria Helena VIEIRA DA SILVA est née à Lisbonne le 13 juin 1908. A Paris, à l’Académie de la Grande Chaumière, elle rencontre un jeune artiste hongrois, Arpad SZENES, qui deviendra son mari en 1930.

A partir de 1947, sa carrière prend une ampleur internationale. Des expositions nombreuses, dans les plus grands musées du monde, jalonnent désormais son parcours vers une gloire confortée par les prix artistiques internationaux les plus prestigieux.

En 1960, soucieuse de s’installer périodiquement hors de Paris pour y travailler en toute quiétude, elle acquière avec son mari une ancienne maison à Yèvre-le-Châtel qu’ils nomment La Maréchalerie. Ils y séjourneront entre 4 et 5 mois chaque été. Nombre d’amis artistes, poètes, musiciens, sont venus les voir dans leur vaste demeure campagnarde qu’ils aimaient profondément. Plus tard, le couple se fera construire un grand atelier, l’Orangerie, à quelques centaines de mètres de leur maison. Les nombreuses rétrospectives de l’œuvre de VIEIRA DA SILVA à travers le monde mettront désormais en valeur l’ambiance particulière de sa retraite villageoise et de ses courtes promenades quotidiennes depuis La Maréchalerie jusqu’à l’Orangerie.

Les titres suggestifs de certains tableaux prouvent son attachement à ce petit village où, loin du tumulte de la capitale, elle évolue vers la sérénité ; “le Petit théâtre de verdure” et surtout “la Basilique” nous situent dans les structures harmonieuses de cette immense artiste.

C’est à Yèvre-le-Châtel que VIEIRA DA SILVA sera enterrée en 1992, conformément à son souhait, dans le petit cimetière à proximité de l’église Saint-Lubin, aux côtés de sa mère et de son fidèle époux.

la-basilique La Basilique – Tempera sur toile, 1964-1967